souffles
numéro 12, quatrième trimestre 1968

prologue
pp. 1-2

 

     Depuis quelques mois, le groupe d'action de SOUFFLES participe aux travaux d'élaboration et d'organisation ainsi qu'aux activités publiques de l'Association de Recherche Culturelle qui réunit un certain nombre d'artistes, de chercheurs, de cadres techniques et scientifiques et d'étudiants.

     Ce regroupement, dont nous avons maintes fois souligné la nécessité, n'est nullement un événement accidentel. Il devrait être compris, à notre avis, comme l'aboutissement logique de cette phase de malaise et de marasme, en même temps que de déblayage et de maturation, que nous avons tous vécue depuis ces dernières années et comme la volonté de concrétiser et de rendre plus actifs les dynamismes réels de création et de contestation que noire revue, au même titre que d'autres groupes et individualités, ont pu exprimer ou sonder depuis lors.

     Nous ne rentrerons pas évidemment dans le commentaire des objectifs de l'Association ou de l'esprit dans lequel elle compte mener son action et son travail de recherche. Le lecteur s'en fera une idée lui-même en prenant acte de la Charte-Programme de L'A.R.C., document qui a été le fruit d'un travail collectif.

     Nous tenons cependant à souligner, quant à nous, l'intérêt de ce regroupement et les perspectives nouvelles qu'il pourrait ouvrir à l'action, la création et la recherche non seulement au Maroc, mais aussi à l'échelle de tout le Maghreb, étant donné les similitudes profondes des situations culturelles de nos pays respectifs.

     Notre espoir est que ce document de base ne devienne pas encore une fois un de ces écrits «historiques» qu'on classe rapidement dans les anthologies ou les «études sérieuses» et qu'on momifie pour quelques décennies et qu'il remplisse la seule fonction logique qu'il puisse avoir, celle de susciter le débat, la confrontation des idées, de stimuler la recherche et surtout de faire déboucher toutes les lucidités contestatrices dans nos pays sur une action réelle, volontaire, programmée, libérée des faux drames et des fausses terreurs.

     Il s'agit là d'un combat que beaucoup d'entre nous ressentent comme décisif et qui devrait   immanquablement sortir nos «intellectuels» du ghetto des discussions confinées, des rêves éternellement refoulés, en vue d'une action en profondeur, liée aux besoins et aux aspirations collectives.

     Nous pensons aussi que le temps est venu de dénoncer sans bégayer tous les alibis «humanistes» et «tactiques», tous les prétextes compliqués à la sauce universitariste, toutes les lâchetés ambiantes, d'agir pour que la création et l'action culturelles soient organiquement liées à notre lutte nationale et qu'elles puissent ainsi remplir leur fonction multidimensionnelle de clarification, de prise de conscience, de mobilisation, de conjuration des aliénations historiques et quotidiennes, d'élargissement du champ de vision, de perception et de connaissance de l'homme, augmentation du potentiel de vie ou du taux sanguin, d'ouvertures totales, bref de soulèvement digne, généralisé contre tout ce qui inhibe, tout ce qui limite, tout ce qui réprime et menace nos sociétés qui, à peine sorties du cauchemar matériel de la colonisation, retombent lourdement dans le cercle de violence des «fausses indépendances».

     En affirmant cela, nous ne prétendons nullement détenir une vérité d'approche, de vision ou de méthode. Nous recherchons toujours et nous essayons souvent de provoquer toutes les formes de dialogue et de confrontation, à condition que le langage et les intentions soient humains, francs, sensibles à un minimum d'exigences et d'objectifs, de clarté aussi, au-dessous desquels tout regroupement n'est plus que parlotte et compromissions.

     Il s'agit en tout cas d'avancer, en brisant les cercles, en un perpétuel mouvement d'investigation.

SOUFFLES



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