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république sud-africaine


SITUATION

     Située à la pointe sud de l'Afrique, la République Sud-Africaine est à un des carrefours de la navigation maritime mondiale.
     Tous les pays qui la jouxtent sont sous la coupe, plus ou moins, de l'impérialisme : la Namibie (« Sud-Ouest Africain »), le Botswana, indépendant depuis 1966 (notons que cet Etat est en passe de changer d'orientation), le Zimbabwe (« Rhodésie du Sud ») et le Mozambique.

POPULATION ET ECONOMIE - APARTHEID ET MONOPOLES

     Sur une superficie de 1.223.400 km2, vivent plus de 17.374.000 personnes. Mais ce chiffre ne se trouve probablement pas dans les statistiques officielles de la République. Les 19,4% de « blancs », 3 % d' « asiatiques », 68,2 % de « bantous » et 9,4 % de « coloured » (métis) sont comptés séparément. Autre observation brute, 80 % des « blancs », 78 % des indiens et 69 % des métis, résident dans les villes (la capitale est Pretoria), mais seulement 27 % des africains.

     Ces faits sont liés au très tristement célèbre apartheid. Donnons-en les manifestations les plus criantes : non seulement les catégories d'emplois réservées aux blancs sont définies par une loi, mais encore la politique de la « main-d'œuvre civilisée » donne une définition de l'emploi qui en exclut les travailleurs africains.

     Les lois sur l'affluence des noirs les parquent dans des réserves où ils ne peuvent cultiver la terre et réglementent leur accès dans les ville (le fameux « pass » (laissez-passer) qui « permet » aux africains de se déplacer de leur lieu précis de résidence à n'importe quel autre lieu comporte plus de 100 pages de renseignements sur les activités quotidiennes de son détenteur).

     Des lois interdisent les mariages mixtes et font un délit pénal des relations sexuelles inter-raciales.

     Seuls les blancs sont éligibles au Parlement. Des listes électorales séparées font que les Africains ne sont représentés au Sénat que par 4 personnes... blanches.

     Les magasins ont une entrée pour les blancs et une pour les noirs ; les bureaux de poste ont des guichets sénarés, les noirs doivent y attendre que tous les blancs soient servis.

     Entrées des immeubles, ascenseurs, salles d'attente et toilettes des gares, barre des témoins aux tribunaux, hôpitaux ne peuvent être communs. Les médecins africains ne doivent soigner que des africains. Des autobus, des tramways, des wagons de train, des prisons sont réservés aux africains, mais le personnel en est blanc.

     Les agents de police noirs n'ont aucune autorité sur les délinquants blancs. Les plages sont séparées par des barrières. Les bibliothèques « publiques » sont interdites aux noirs.

     Pour ce qui est de l'enseignement, seuls 4 % de bantous dépassent le niveau de l'école primaire. Ils ne reçoivent que 3 heures de cours par jour. Certaines disciplines telles la philosophie. la psychologie, sont exclues de leurs programmes (au nom de la sauvegarde des traditions africaines).

     Résumons la situation par ce tableau
                                                               Blancs                    Africains
Population (en %)                                     19 %                     68,2 %
Terres occupées (en %)                            87 %                     13 %
Ouvriers syndiqués 340.000 0
Personnes condamnées en
application de la loi sur les
laissez-passer                                              0                         384.000
Mortalité infantile pour
1.000 naissances                                      27 p. mille              200 p. m.
Population urbaine en %
de chaque groupe                                     80 %                      27 %p.
Population rurale, en milliers                      20 %                      73 %
Revenu par tête, par an en $ (1959)          1.819                     109
Salaire annuel moyen d'un
mineur en $ (1962)                                   3.587                     216
Age des personnes sujettes
à l'impôt                                                   21-60 ans              18-65 ans
Part du revenu soustraite à
l'impôt en $                                              840                           0
Crédit de l'éducation natio-
nale par an en 1962 en $                          182                         18

POURQUOI L'APARTHEID ?

     Avec une production intérieure brute de 7.680 millions $ (1961), la République Sud-Africaine est le pays le plus riche de l'Afrique (P.I.B. du Maroc en 1961, 1.800 millions $). Elle en est le seul grand producteur d'acier avec plus de 3.000.000 de tonnes par an.

     Cette richesse repose sur des ressources en minerais straté-giques très importantes. Enumérons : l'or (665.000 tonnes environ par an), le diamant, l'uranium, le cuivre, l'étain, le chrome, le manganèse, l'antimoine, le sel gemme, le vanadium, etc. Insistons particulièrement sur ses réserves en fer de bonne qualité et en houille.

     L'Afrique du Sud est ainsi un des principaux pourvoyeurs de matériel de guerre des impérialistes. Et, déjà, elle ne se borne pas à lui fournir des produits de base, mais elle fabrique, avec l'aide de la France, ses avions à réaction, ses sous-marins ; on parle même de bombe atomique.

     Mais elle est aussi une source et une réserve de ravitaillement en produits agricoles. Elle exporte, en particulier, une grande partie de son maïs, de son blé, de son sucre, de ses fruits et de son vin. Elle a un élevage très important, destiné surtout à la production de laine. Les africains dépossédés de leurs terres travaillent sur les fermes des colons (en montrant leur « pass » à l'entrée).

     Toutes ces ressources sont entre les mains de quelques sociétés américaines, anglaises et européennes (groupes De Beers, Oppenheimer, Hochschild, Gillet) qui se contrôlent mutuellement et s'entraident, et qui ont des intérêts partout en Afrique, en particulier en Rhodésie, au Congo, en Angola, au Mozambique, etc... Ces groupes sont intimement liés à des banques telles que la Banque Morgan, la Chase Manhattan Bank, la First National City Bank of New York.

     Un exemple illustre la liberté que s'octroient les capitalistes en Afrique et partout dans le monde, c'est celui du diamant, produit en Afrique du Sud, taillé en Israël et utilisé aux Etats-Unis sans sortir du circuit des groupes cités.

     L'Afrique du Sud occupe donc une place stratégique dans l'économie des impérialistes.

     Dès 1652, les Hollandais installaient une colonie au Cap. Ils furent remplacés en 1806 par les Anglais. C'est alors que ces colons hollandais les Boers, montèrent vers le Nord et l'Est (c'est le « Grand Trek »), bientôt suivis par les Anglais avec qui ils entrèrent en guerre. Guerre dont firent en définitive les frais les Africains spoliés de leurs terres et massacrés par les deux camps.

     Mais la stratégie impérialiste a aussi et surtout instauré en Afrique du Sud une base militaire qui couvre l'exploitation coloniale ou néo-coloniale des pays voisins : Namibie, Zimbabwe, Botswana, Mozambique, Zambie, Malawi, Angola jusqu'au Congo Kinshasa.

     Elle accorde en particulier une aide importante au Portugal. De plus, son soutien au sionisme va jusqu'à l'acceptation que les citoyens sud-africains de religion juive bénéficient de la double nationalité, sud-africaine et israélienne. Et ce rôle de tremplin est renforcé dans toute l'Afrique par le fait que les clients des trusts capitalistes sont obligés de se ravitailler auprès des succursales en Afrique du Sud de ces trusts.

     Tout en dénonçant fallacieusement le martyre du peuple d'Afrique du Sud, les Etats européens ne font rien pour rompre leurs relations avec le pouvoir raciste de Vorster ; on l'a encore vu toutrécemment lors de la demande qui leur a été faite par les pays africains à l'ONU de cesser l'envoi d'armes et le commerce entre l'Europe et l'Afrique du Sud. Et les Etats africains, du fait de leurs accords commerciaux avec la CEE assurent le transit de ce matériel de guerre par des ports francs et par Dakar, Mombasa et le Congo Kinshasa.

    

LA LUTTE DU PEUPLE D'AFRIQUE DU SUD

     35 % des africains résident autour des fermes des colons où ils travaillent, 38 % dans les réserves, ils travaillent dans les mines et sont fouillés à la sortie des chantiers d'or et de diamants, 27% dans des quartiers spéciaux autour des villes. Leurs déplacements sont étroitement contrôlés par la pratique du laissez-passer. Ils sont maintenus dans l'analphabétisme. Et pourtant leur lutte, engagée depuis 1912 même, a de plus en plus de force et de plus en plus d'échos dans le monde.

     1912 : fondation de l'African National Congress ayant comme doctrine la non-violence et comme arme la pétition.

     1950, 1956, 1957, 1958, 1959, 1960 : manifestations et grèves à caractère économique et politique (contre le laissez-passer en particulier).

     Depuis 1960 : résistance du peuple Pondo contre la création de réserves.

     Depuis 1932 : lutte contre la création artificielle de l'Etat Bantou du Transkei, autre réserve à plus grande échelle.

     Actuellement, depuis 1967, le combat est mené dans le cadre d'une alliance avec la résistance pour la libération du Zimbabwé.