(à John Coltrane / de la part d'un poète noir /
dans un appt. de sous-sol, en pleurant des larmes sèches
de "you ain't gone").
pp. 43-46
des années soixante
est venu
un train
débouchant / des
années cinquante avec un
wagon doré
dévalant les rails
de l'innovation
embouchant son instrument
a-mélodique
cris rauques
hurlant
pétaradant
faisant reculer certains.....
(ces lecteurs de journaux qui pensent que la virilité
est quelque chose d'inné)
faites entrer les autres
(les rares personnes qui ne sont pas convaincues
que le monde existe autour de la blan
cheur patentée et de leonard bernstein) (1)
musique endolorie
assassinant notre esprit (nous re-naissons)
nés dans une aberration néotérique
et puis soudain
on envie l'
AVEUGLE -
on sait que lui
entendra ce que jamais personne ne
verra
ta musique est comme
ma tête - d'un noir laîneux
sensation bien désagréable mêlée
de chansons se recoupant en :
nou-ououououououououououous chante
NOU-OUOUOUououououououououououous fort et
NOU-OUOUOUOUOUOUOUOUOUS hautde toute
ton âme
un peuple qui chante
au rythme de moi
me peignant, me
cardant
j'ai pleuré billie holliday. (2)
les blues, c'est pas not' couleur le bleu
le blues exhibant des illusions de virilité,
détruites par toi. Ascension en :
hurla-aaaaaaaa-nt chante
HURL-AAAaaaaaaaaa-nt fort et
HURL-AAAAAA AAAA-nt longuement
de toute
ton âme
le bleu c'est pas not' couleur, nous sommes noirs,
le bleu c'est pas not' couleur, nous sommes noirs,
les blues me faisaient tout, bonnement
chialer).
soultrane (3) est parti en voyage
il a laissé des images de l'homme
il était le modèle à suivre pour
les faiseurs d'hommes et l'annihilateur
des porteurs de porte-documents,
Trane (4) est parti.
(l'a pris son chapeau et m'a laissé tout seul)
mais, frère,
j'ai pas pleuré,
j'ai seulement -
Hurl-eeeeeeeeeeee-é chante
HURL-EEEEEEEEEE - E haut et
nou-ouououououououous fort
NOU-OUOUOUououououOUOUOUOUS de toute
NOU-OUOUOUOUOUOUOUOUS ton âme et
OU EST-CE QUE T'ES PARTI, FRERE ? laisse
ta voix
se briser
Ça fait mal, des grands bébés
qui meurent nés, je m'suis attrapé
un train, roues d'acier brisées
par des bâtonnets de polo glacé, j'suis sorti
et j'ai essayé d'm'envoyer une putain de cinq sous
avec ma carte de la standard oil.
(j'suis tombé sur un pédé qui poliment
s'est gratté le derrière en ma présence.
il a souri avec ses dents cassées pourries par
sa langue trop usée, visage en coup de poing.
dénts tombées au rythme de "yesterday"
chanté par ray charles).
les blondes se marraient encore plus
avec des nègres à la dent saillante
qui économisent des pennies (5) et des bouteilles de coca pour le week-end
pour jouer au nègre et à d'autre inventions dégueulasses.
be-bop-ant sur la chanson de james brown
sueur froide - ces nègres-là ne suaient pas.
ils transpiraient, et la teinture de la blonde lâcha,
je me suis enfui, elle aussi, avec leurs pennies, leurs cocas
et leurs âmes, à la semaine prochaine, même heure, même longueur d'ondes
pour l'anti-moi en une leçon.
pour ces nègres homo et couards
qui jouent du tchaikovski et
les beatles et qui habitent des
duplex et ont
l'esprit en duplex et
des petites amies en duplex.
qui commettent l'acte
sexuel tout habillés
(qui se cachent à la salle de bain pour lire
jet magazine, qui ne lisent pas le chicago
défendu à cause des fautes
d'orthographe et qui exhibent des étagères
entières de livres européens, intacts, qui
cachent leurs disques de little richard et de lightnin'
slim et vous demandent "john qui ?"
de la haine instantanée).
frère, ils ne connaissent rien d'autre,
ils sont trop occupés à s'endetter, à
exprimer leur humanité et
à se déshabiller de leur couleur.
HURRRRR/nou-nouououououos/cris/criiiii improvise
ahiiiiiii/criiiiiiiie/ouii/ii de toute
ahHHHHHHHHHH/NOUOUOUOUOUS/crIII ton âme
IIE
nou-ouououNOU-OUOUOUOUNOU-OUOU-OUOUS
ces cons de blancs t'ont entendu et
ils ont été annihilés, désintégrés.
un crétin m'a demandé, pendant
my favorite things, si
tu étais pratiquant.
j'ai tiré sur cet enfant-de-putain et j'ai dit,
"comme tu vois".
mais, frère,
j'ai pas pleuré.
]e m'suis camé pour m'débarrasser de mes pensées —
ça les a pas empêchées de revenir.
de revenir me détruire
et cet AVEUGLE
eh ben, je l'envie plus
je peux voir son entendre
et entendre son entendu par mes pores.
je peux voir mon je, c'était la vérité que tu as donnée,
comme une merde quotidienne
fallait qu'elle vienne.
tu peux hurler - frère ? très
tu peux hurler - frère ? doucement
je t'entends bien
je t'entends bien
et les dieux t'entendront aussi.
__________________
(1) Leonard Berstein : chef d'orchestre qui dirige le Philharmonique de New York, compositeur de "West Side Story". Il tire sa popularité de la façon très manièrée dont il dirige son orchestre ; passe souvent à la télévision.
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(2) Billie Holliday : chanteuse de blues d'avant-guerre, connue surtout du public noir américain
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(3) Soultrane : mot formé de soul (âme-ef soulmusic) et de Trane (abréviation de Coltrane).
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(4) Trane : abréviation de Coltrane. Jazzman contemporain. Se prononce en anglais comme "train".
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(5) pennies : quelques sous.
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