auguste macouba
p. 39
l'exil à G. B.
à Daniel Boukman
Mais qui dira
sinon l'océan de l'exil
Ville ou fille mère ou veuve
ô mon pays
au nord-est de cette île
à dos d'une, la ville arc-boutée
sous les bas-flancs du morne
ville en cascade vers l'écume
Mais qui dira
sinon l'océan de l'exil
Là où la table du diable ricane
au vent venu des profondeurs
du large
ici et là, mille cocotiers font une
chevelure au soleil
au nord-est de cette île
un paysage toujours en fête et
toujours en pleurs
des fleurs et des fruits du soleil
et la lune mais que la misère tisse
dans les mains noires du midi
farouches sont les nègres au souffle
de mulet dans leurs sauts
de lagghia.
Mais qui dira
sinon l'océan de l'exil.
Car c'est une ville et un pays
qui comme l'herbe grasse
grimpent jusqu'au clocher de l'amour
jusqu'à la carapace étoilée
de la nuit
jusqu'au pied de la douleur
jusqu'au seuil de l'oubli
et de l'écrasement.
Mais qui dira
sinon l'océan de l'exil.
Ah ! hibiscus de mon cœur !
pétales étalés par l'absence
que ton nom me revienne par tous
les vents.
Que monte le cri essoufflé du
désir inassouvi.
Je te dénoue aujourd'hui comme j'ai dénoué
mes poings
je te libère comme j'ai libéré
la lice
du long silence de l'océan.
J'épèle mes amours avec cette ville
et cette île, l'idée fixe de
l'espoir du retour.
Oui j'ai ramené de mon rêve d'enfant
ce nom sur mes lèvres
Comme ruche de miel
fleurie de soleil.
Je parle avec quatre syllabes.
Au nord-est comme au nord-ouest
de cette île
il y a des fleurs plus fines que la fougère
fougère
et plus souples que la canne
avec des yeux de pistache
semblables aux pléïades qui tournent
à six heures dans le ciel d'ortolan
annonçant le poisson blanc
Amis qui souffrez du même mal
sachez que les pléïades sont à l'est
et que nous sommes au sud.
Mais qui dira
Ah limbé de l'exil !
Je m'en souviens encore
Je m'en souviens
la rupture juvénile
avec la joie envahie de sanglots.